mardi 21 septembre 2010

EN SUIVANT LES RIOS


Les jours de RTT ne servent pas qu'à réduire le temps de travail, ils permettent aussi de Rallonger la Temporada Taurine et de s'offrir de longs week-ends en Navarre, Rioja ou Aragon.

Sangüesa (Navarre), samedi 18 septembre, 17h30.
Posée à proximité du Rio Aragon, la placita de briques et de bois attend six toros des fils de Celestino Cuadri. Un lot en "tres y tres". Les trois premiers plus légers, les trois suivants, bastos, typés Cuadris. D'une présentation correcte pour une troisième catégorie. Monopique et service minimum pour les trois premiers. Double ration, sans s'employer exagérément, pour les 5 et 6. Le 4 renversera les deux chevaux (au sol en même temps, petit vent de panique dans le ruedo) et restera fixé sur le réserve qu'il relèvera, avant de le renverser à nouveau. Force et puissance. Il recevra lors de la troisième rencontre un long puyazo. Il est regrettable que Javier Valverde n'ait point voulu voir ce toro (sans doutes les effets secondaires d'une retraite annoncée !!). Une minute (montre en main) de chiffonnade chasse-mouche, avant une mise à mort laborieuse. Bronca. Peut-être, est-on passé à côté d'un grand toro.
Salvador Cortes (1 oreille et 1 oreille) utilisera la noblesse de ses deux opposants pour tirer des séries droitières liées et voyagistes. Toreo al natural aux abonnés absents (une série au premier, zéro au second !!).
Ivan Fandino, très prudent, ne semble pas remis de la blessure survenue à Bilbao. De plus, il ne fut pas très heureux aux aciers. Double silence.

A Olite (Navarre), dans la soirée, le bétail court les rues et les automobilistes de passage se débrouillent tant bien que mal avec d'aléatoires déviations pour tenter de traverser le pueblo.

A Arnedo (La Rioja), le lendemain matin, c'est journée portes ouvertes à la Arnedo Arena, nouvelle plaza de béton et de tôles qui remplace l'antique placita, aujourd'hui détruite pour construire des appartements. "Habiter dans votre ancienne plaza" est écrit sur l'affiche, devant le trou béant, en attente de béton armé. Chacun vient repérer sa future place pour l'ouverture du Zapato de Oro 2010 (27 septembre).

Logrono (La Rioja), dimanche 19 septembre, 18h00.
Le long du Rio Ebro, la plaza de La Ribera semble sortie d'un film de science-fiction, telle une soucoupe volante venue à la rencontre de nouvelles contrées et en panne de carburant pour re-décoller.
Des six toros gris d'Escolar Gil, on retiendra la présentation de qualité et la présence sans excès au premier tiers (deux piques chacun, la seconde étant un picotazo symbolique sauf pour le 6 qui s'employa aux deux rencontres). Un lot genuido sauf le 6, encasté.
El Fundi assure le minimum. Double silence.
Sergio Aguilar propose à son premier une faena de qualité d'où surgirent des naturelles sincères et maîtrisées. Un pinchazo, une entière placée avec engagement. Vuelta avec pétition d'oreille. Il n'insistera pas à son second.
Alberto Aguilar s'arrime pour arracher quelque muletazos à son premier. Il démontra de l'envie face au second, mais fut brouillon dans la construction et la réalisation de son ouvrage. Double silence.

Logrono, lundi 20 septembre, 18h00.
Une bonne surprise avec un lot de qualité d'El Pilar, présent à des degrés divers, dans les trois tiers. Braves sous le fer (deux piques chacun, trois pour de 5), avec mention aux 3 et 5 ; un ton en-dessous les 4 et 6. Noblesse encastée avec alegria et transmission pour les 1, 2 et 3. Genuido le 4. Encasté con sentido de 5. Noble et faible le 6.
Morante n'a qu'à lever le petit doigt pour que sortent les "olés" !!! Heureusement, le ridicule ne tue point. Il y aurait hécatombe sur les étagères !! A son crédit, un superbe quite par chicuelinas, rematé d'une media au sixième toro, lidié par El Cid et qui répondit lui-même, par trois véroniques fort joliment dessinées.
Diego Urdiales est passé à côté d'un triomphe sur ses terres. Mauvais usage des aciers. A deux reprises, il fut à quelques secondes d'entendre le troisième avis. Ses deux faenas furent allurées avec sincérité, ligazon et entamées par des cites à mi-distances mettant en valeur les qualités de charge des bichos.
El Cid a retrouvé son poignet gauche et le temple qui va avec. Des naturelles de qualité, la muleta au fil des cornes, sans accrochages. Des estocades en place et efficaces. Deux fois une oreille. Avec un léger plus de sincérité et de réel dominio (en allant sur le terrain du toro), c'eût été encore mieux!!
Une tarde agréable, comme souvent quand la caste est au rendez-vous.

Du Rio Aragon au Rio Ebro, entre sud-Navarre et nord-Rioja, les pueblos s'appellent Tafalla, Olite, Peralta, San Adrian, Calahorra, Arnedo ou Lodosa. En ces terres, les toros courent les rues et les ruedos. Souhaitons qu'il en soit longtemps ainsi ...

Miguel de Burdeos

Photo : placita de Sangüesa

mercredi 15 septembre 2010

ILS EXAGERENT


Entre Alpilles et Camargue, dans un pays qui respire le toro, il fait toujours bon revenir errer dans les ruelles Arlésiennes, le long du Rhône, sur la place de la Major.
Arles, Feria du Riz 2010.

Vendredi 10 septembre, 17h30.
Un lot de La Quinta semblable à ceux qu'a proposé ce fer en cette temporada. Présence discrète au cheval. Peu ou pas de transmission. Peu ou pas de complications majeures. Manque de caste. Soseria. Seul le bon troisième, à la noblesse encastée et partant à trois reprises vers le châtiment de la pique, sans toutefois s'y employer outre mesure, rappellera certains de ses frères appréciés à Mont de Marsan ou Vic, il y a deux saisons. Il sera primé d'une vuelta fort généreuse. Tels les deux trophées offerts par ce toro, à Alberto Aguilar. Un seul semblait opportun et mérité pour le nouveau protégé de la "casa Casas". Début des exagérations !!

Samedi 11 septembre, 17h15. Corrida Goyesque.
Six toros de Daniel Ruiz sans surprises. Bravoure anémiée, noblesse à revendre. El Juli et Juan Bautista, récoltant chacun cinq oreilles, seront accompagnés à hombros par le mayoral. Les exagérations continuent !!
Comment, quand on est figura del toreo, peut-on se satisfaire, lors de sa faena, d'une seule ou de deux tout au plus, séries gauchères et être aussi "grassement" primé ? Les toros avaient deux cornes (pas compliquées l'une et l'autre), les toreros avaient une seule main, le public était aveugle, la présidence complice.

Dimanche 12 septembre, 11h00.
Les deux premiers novillos d'Antonio Palla (origine Jandilla), bravitos et plein d'alegria devant le chiffon rouge, laissèrent entrevoir une matinée des plus agréables. Hélas, la suite fut tout autre. Faiblesse, manque de transmission et novilleros peu inspirés. Thomas Joubert, après hésitation et sur les "conseils" de sa cuadrilla fit, au second novillo du lot, une vuelta en conclusion d'une faena quasi droitière (deux petites séries à gauche, comme les "grands" !!), d'un golletazo (coup d'épée dans le cou de l'animal) et de sept (!!!) descabellos. Suite des exagérations !!

Dimanche 12 septembre, 17h00. Corrida concours d'élevages tricolores.
- Tardieu frères : belle présentation. Trapio. S'élance par trois fois vers le cheval avec alegria et en allongeant, à chaque départ, la distance. S'emploie peu sous le fer. Charge courte au troisième tiers. Algo genuido.
- Gallon : beau jabonero. Faiblesse, à tendance chronique chez ce fer.
- Christophe Yonnet : Faible et décasté.
- Astarac : présent face au cheval. Batacazo à la première tentative de pique, pousse fort avec franchise à la deuxième, part à mi-distance et au pas à la troisième, très peu poussée. Charge courte. Manque de caste.
- Margé : 1° pique : hésite à partir, cabèce, ne pousse pas, sort seul. 2° pique : très tardo, part de près, pousse modérément avec franchise. 3° pique : très tardo (Gabin Réhabi -prix du meilleur piquero- sortira de son terrain pour, en franchissant la ligne de démarcation, provoquer la charge du toro), part de près, pousse avec franchise. Charge courte face à la muleta. Tardo. Humilie des deux bords.
- Piedras Rojas : belle présentation. Trapio. Trois départs vers le cheval sans enthousiasme débordant. Eteint dès les premiers muletazos.

Le prix du meilleur toro me semblait être desierto. Or, le jury (Jean Jacques Baylac, Pascal Mailhan, Alain Bonijol) l'attribua, sous les sifflets du public, au Margé. Fin des exagérations !!
S'il fallait absolument décerner le prix à un vainqueur, le Tardieu, mieux fait et plus complet (bien que n'étant pas parfait, loin s'en faut), en était le légitime destinataire.
Le Margé bénéficia de la volonté et de la sincérité du Mexicain Israel Tellez (1 oreille) qui lui arracha, sur les deux bords, quelques séries de qualité. Son comportement lors du premier tiers ne fut en aucun cas celui d'un toro vainqueur d'une corrida concours.

Exagérations Méditerranéennes ? Possible. Petits arrangement entre amis ? Pas impossible !!

Mentions spéciales :
- à Ena Swansea, décoratrice de la piste lors de la Goyesque. Une piste bleutée, comme un ciel nuageux orné de cent toros noirs. La beauté d'une oeuvre éphémère comme une naturelle sincère et profonde ...
- à l'orchestre Chicuelo, pour sa magnifique interprétation du Concerto d'Aranjuez lors de la première faena de Thomas Joubert. Dommage qu'il n'y ait eu, en cet instant, de naturelles sincères et profondes ...

Miguel de Burdeos

lundi 6 septembre 2010

AU BONHEUR DES JEUNES


Feria de l'Atlantique. Fin de temporada Bayonnaise, pour un week-end qui incitait plus à côtoyer les plages qu'à s'asseoir sur le chaud béton de Lachepaillet. Deux llenos pour deux corridas de figuras et une bonne assistance pour la finale des novilladas sans picadors en matinée dominicale.

Samedi 4 septembre, 17h30.
Six toros marqués du fer de La Quinta (c'est le seul point commun avec les sujets de qualité proposés, par la famille Conradi, à Mont de Marsan et à Vic, en 2008 !!), dépourvus de caste, transparents face au cheval et à la désespérante soseria. Une déception supplémentaire offerte par ces Santa Coloma version Buendia. A trop mettre "d'adoucisseur" ...
El Fundi semble remonter, très lentement, une pente qui l'avait entraîné vers d'obscurs abysses fort éloignés du toreo sincère et guerrier dont il était un des éminents membres. Du mieux, si l'on se réfère à la prestation Vicoise.
El Juli a fait du (mauvais) Juli. A son crédit, quelques derechazos (deux séries) remplis d'une exquise profondeur. Au débit, un manque de dominio sincère, une carence de toreo gaucher, des échecs aux aciers. Quand le vif salto latéral ne fonctionne pas, l'estocade "Juliesque" défaille !!
Juan Bautista a offert les meilleures naturelles de la tarde à son premier toro. Deux estocades efficaces (avec engagement au deuxième animal) seront récompensées chacune d'une oreille. Les deux faenas, bien construites et fort agréables à l'oeil, furent parfois "voyagistes", ne pesant pas réellement sur la charge (ou ce qui y ressemblait !!) des toros.

Dimanche 5 septembre, 17h30.
Six toros de Torrealta (origine M.I. Ybarra, Marques de Domecq, Torrestrella, Jandilla) s'employant (sauf le 6) à des degrés divers au premier tiers. Ils laisseront ainsi, espérer de bonnes dispositions pour la suite de la lidia. Or, excepté le bon 3 et l'intéressant 4, à la noblesse encastée (un ton en dessous pour le 4), tous s'éteignirent très rapidement au début du troisième tiers, perdant mobilité et transmission.
Les deux figuras présentes au cartel, Enrique Ponce et Sébastien Castella, assurèrent moins que le minimum syndical. Henri 1er de Valence semble préparer sa pré-retraite en délivrant des muletazos très au large et pauvres en dominio. Sébastien de Biterre, peut être préoccupé par sa future paternité, en oublie qu'il a aussi une main gauche (aucune naturelle à son troisième toro !!!.... deux séries gauchères à chacun des deux autres). Au final, match nul, tendance nullissime !! Une oreille(tte) chacun.

Dimanche 5 septembre, 11h00 (début 11h15, "bouchons" à la taquilla!! Mauvaise habitude qui n'incitera pas les éternels retardataires chroniques à faire l'effort d'être respectueusement à l'heure !!).
Du bétail de chez Fernay (les 1 et 4 du fer Fernay, les 2 et 3 marqués Virgen Maria - élevage où sont associés Olivier Fernay et Jean-Marie Raimond), mobile et donnant du jeu. Tous sortirent avec une devise aux couleurs jaune et noire (celle de Fernay) alors que les couleurs de Virgen Maria sont bleu ciel et blanc. C'est aussi au respect des petits détails qu'on reconnaît les grandes arènes !!
Bon novillo le 1, avec une noblesse allègre (primé d'une vuelta). Faible le 2. Nobles 3 et 4 avec plus d'alegria pour ce dernier. Sortie a hombros d'Olivier Fernay en compagnie des deux jeunes finalistes, Fernando Adrian et Juan Leal tous deux élèves de l'école taurine d'Arganda del Rey (Madrid), plus connue sous le nom de Fondation El Juli (papa Lopez était présent dans le callejon).
L'esprit de competencia anima les deux apprentis toreros qui rivalisèrent lors de quites par chicuelinas, gaoneras, tafalleras et autres saltilleras ainsi qu'aux banderilles. Ils proposèrent au public enthousiaste un quite en collera (et non al alimon, comme trop souvent dénommé, par erreur, y compris par des "référents" taurins) par chicuelinas, chacun employant son propre capote (al alimon, les deux protagonistes utilisent une seule et même cape qu'ils tiennent par les extrémités). Adrian (2 oreilles et 2 oreilles) profita de la noblesse généreuse du premier eral en mettant de la profondeur, du ligazon et du temple dans son toreo. L'Arlèsien Leal (1 oreille et 1 oreille) tira de son premier des naturelles sincères et de suaves derechazos générés par la douceur d'un poignet affirmé.
Petits toreros deviendront (peut-être) grands !! C'est tout le mal que l'on peut leur souhaiter. Et de garder leur envie, leur fraîcheur et leur générosité.

Miguel de Burdeos